Le parcours et la biographie de ces soldats combattants de la Grande Guerre ont pu être reconstitués à travers les documents prêtés à l’occasion de la Grande collecte 14-18 (Marius Fourquet, Félicien Arcis, Joseph Stern) ou grâce aux archives privées conservées aux Archives départementales (Marcel Gallix, Victorin Coursodon). La figure d’Alexis Tendil, bien connue en Ardèche, est à elle seule le symbole des derniers poilus ardéchois (il s’est éteint en 2005). Le parcours d’Alfred Salabelle est emblématique de celui de nombre d’instituteurs laïques et pacifistes qui se sont engagés jusqu’à la mort au service de la patrie et celui de Fernand Terras, le soldat sorti en 2013 de l’anonymat du champ de bataille de Perthe-les-Hurlus, a marqué sur notre territoire l’actualité du Centenaire 14-18.
Marius Fourquetle héros oublié |
Marcel Gallixarchitecte et père de famille |
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Carte d'identité militaire de Marius Fourquet, 1914 (ADA, collecte 14-18, contribution 70). |
Marcel Gallix sur son cheval et le soldat Ors, son ordonnance, avril 1915, cliché original plaque de verre (ADA, fonds Gallix, 127 J). |
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Marius Fourquet est né le 24 novembre 1877 à Soyons. Engagé volontaire en 1895, Marius entre à l’école militaire d’infanterie de Saint-Maixent en 1902. Il est promu sous-lieutenant en 1903 et affecté en 1909 au 99e régiment d’infanterie (R.I.) basé à Lyon. Lorsque la guerre éclate, il est marié et père d’un petit garçon, Louis. Sa guerre commence le 14 août 1914 sur le front des Vosges où il met alors avec émotion « le pied sur la terre d’Alsace ». Du premier jour de son départ, le 6 août 1914, jusqu’à la veille de son décès à la suite de ses blessures à Vrigny (Marne) le 10 juin 1918, il tient de manière très précise son journal de campagne. Ces cinq carnets à l’écriture fine et parfaitement calligraphiée, présentent le récit sobre mais prenant d’une guerre au jour le jour, à la fois subie et menée dans une confrontation permanente au danger. Son journal se termine sur ces mots « 1res lignes sur les pentes nord du plateau de Vrigny, c’est assez terrible. » |
Marcel Gallix est né à Tournon le 29 juin 1880. En 1900, il s’engage volontairement pour 3 ans. À l’issue de sa formation à l’école des Beaux-arts de Lyon, il est nommé architecte départemental à Tournon. De la guerre, et surtout de la campagne d’Orient, il rapportera une collection de carnets illustrés de nombreux croquis et dessins aquarellés. Le 2 août 1914, c’est en « territorial père de famille » qu’il rejoint Privas. Après un séjour d’entraînement à Briançon il arrive en Argonne en décembre 1914. Il fait dans ce secteur l’expérience des tranchées de 1er ligne. Il est blessé en mai 1915 à Béthincourt (Meuse) Après de longs mois d’épreuves en Champagne et à Verdun, il embarque sur le Britannia pour le front d’Orient en janvier 1917. Il y est promu lieutenant mais atteint de paludisme, il est rapatrié en décembre 1917. Il est affecté aux travaux de l’école d’aviation d’Istres jusqu’à sa démobilisation en février 1919. « Je crois avoir été un modeste soldat qui a essayé de faire son boulot pour le mieux. » Après la célébration du cinquantenaire de la bataille de Verdun il trie et classe ses lettres et ses notes, légende ses dessins, aquarelles et photos et retrace son itinéraire de guerre. Il s’éteint à Montpellier en 1972. Sa fille Cécile et son petit-fils ont fait don aux Archives de l’Ardèche de ses archives et de ses précieux carnets. |
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Félicien Arcisune lettre par jour |
Victorin Coursodonbrigadier plein d'audace |
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Lettre de Félicien adressée d'Avignon à Victoria le 14 octobre 1914 (ADA, collecte 14-18, contributeur 23). |
Photographie légendée de la main de Victorin Coursodon extraite d'un de ses albums (ADA, fonds Coursodon, 121 J). |
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Félicien Arcis est né à Chazeaux le 1er avril 1887 dans une famille paysanne. Il se marie en novembre 1913 avec Victoria Chayne. Le 1er août 1914, à 27 ans, il est mobilisé dans la réserve de l’armée d’active. Affecté dans le génie, il y sera principalement conducteur de chevaux et cuisinier. Il ne donne que peu d’information sur le front, disant qu’il en est loin, qu’il « n’est pas dangereux ». La correspondance entre Félicien et Victoria est quasi quotidienne entre août 1914 et mars 1917. À partir de 1916, les lettres sont d’abord écrites par Victoria, qui laisse le deuxième volet libre afin que Félicien puisse faire sa réponse. Il suit ainsi les événements à Chazeaux, donne son avis sur des soucis financiers et familiaux. La correspondance s’arrête en mars 1917, juste avant la naissance de son fils Élie. Félicien Arcis revient de la guerre en 1919 et partira dans les années 1920 s’installer à Lyon dans le quartier de Vaise où il décède le 19 avril 1963. Aucune photo de Félicien ne nous est parvenue. D’après son signalement sur sa fiche matricule, il est chauve aux yeux noirs, mesure 1,69 m, sait lire, écrire et calculer. |
Victorin Auguste Coursodon, né à Aramon dans le Gard le 7 octobre 1892, est mobilisé le 1er août 1914 pendant son service militaire, au 53e régiment d’artillerie de campagne. Il rédige méticuleusement chaque jour, de 1914 à 1918, ses carnets de route. Il note les faits et les évènements avec peu de commentaires mais ses carnets et les légendes de ses photos laissent néanmoins transparaître entre les lignes la souffrance journalière et la vie quotidienne au front « Trombes d’eau, on patauge dans la boue dont on ne peut se dépêtrer … Je tombe jusqu’à mi-corps dans un trou d’obus plein de boue liquide ». Victorin Coursodon va connaître les combats sanglants de la Marne (24-25 et 26 août 1914), la Lorraine (1914), l’Oise (1915), Verdun : « région sinistre, ravins, milliers d’obus, lieux maudits hantés par la mort », la Somme (1916), la Marne (Chemin des Dames en 1918), la Champagne (1918), la guerre de position et celle de mouvement, 52 mois de présence au front. Il fut blessé à quatre reprises et reçut de nombreuses décorations. Il est démobilisé le 1er septembre 1919. Il décède le 18 novembre 1975 à Villeneuve-de-Berg. Sa famille a fait don aux Archives de l’Ardèche de ses papiers et souvenirs de guerre : carnets, plans, albums phtographiques... |
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Alexis Tendilà l'écoute de l'ennemi |
Alfred Salabelleinstituteur militant et pacifiste |
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Photographie d'Alexis Tendil lors de sa mobilisation, Le Dauphiné Libéré, 8 octobre 2005 (ADA PER 2052 647). |
Courrier du maire d'Andance à l'inspecteur d'académie de Grenoble après l'avis officiel du décès d'Alfred (ADA, 1 T 773). |
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Alexis Tendil naît au Teil le 16 août 1896. Ajourné deux ans de suite pour « faiblesse », il incorpore le 7e régiment du génie le 4 octobre 1917. L’armée cherche des électriciens, il intègre les transmissions, apprend le morse à Paris puis part sur le front de l’Est avec pour mission d’intercepter les messages radio allemands. Le 4 octobre 1918, le soldat Tendil intercepte un message en allemand. « Je ne le parlais pas, les lettres faisaient des mots, les mots des phrases ». Il passe le message à ses supérieurs, qui lui disent qu’il a trouvé « quelque chose ». Quelques jours plus tard, le général Mangin vient le remercier personnellement. Le message, du chancelier allemand Max de Bad au Pape Benoît XV dit : « Pour éviter que l’effusion de sang continue, le gouvernement allemand demande la conclusion immédiate d’un armistice sur terre, sur mer et dans les airs ». Sans le savoir, Alexis Tendil est entré dans l’Histoire. Il a pu faire annuler une nouvelle offensive française en Lorraine et ainsi, sauver des milliers de vies. L’armistice est signé le 11 novembre 1918 à 11 heures du matin. Alexis Tendil, rendu à la vie civile le 23 septembre 1919, retourne au Teil. Il passe sa retraite dans le sud ardéchois et décède aux Vans le 5 octobre 2005. Il laisse un témoignage oral en 2000. Une place porte son nom au Teil. |
Élie Paul Alfred Salabelle est né le 22 mai 1887 à Viviers et est « tombé au champ d’honneur» le 22 décembre 1914 au lieu-dit du Bois des Merliers, dans le secteur de Varennes-en-Argonne. Il repose toujours à Vauquois, dans la nécropole nationale de ce petit village situé à 35 kilomètres au nord-ouest de Verdun. Avant la guerre, Alfred Salabelle était instituteur et son nom est gravé sur le monument à la mémoire des « Enfants d’Andance morts pour la patrie », commune dans laquelle il exerça sa courte carrière professionnelle. Engagé volontaire pour trois ans en septembre 1905, il est incorporé, à l’issue de ses études, dans le 61e RI en juillet 1908. Il avait, à l’École normale, fait une rencontre décisive, celle d’Élie Reynier, alors jeune professeur, dreyfusard, militant actif de la Ligue des droits de l’homme. Alfred Salabelle est l’un des rédacteurs de la revue de la Fédération nationale des syndicats d’instituteurs, L’École Émancipée, qui propose des essais pédagogiques répondant au désir de « former des hommes libres et non des esclaves ». En 1912, il est au nombre des instituteurs accusés de « propagande antimilitariste et antipatriotique » qui s’étaient déclarés solidaires de la classe ouvrière et résolument pacifistes. Rappelé à l’activité militaire, Alfred Salabelle rejoint le front le 14 août 1914. L’engagement et la mort au service de la patrie de ce militant de la gauche pacifiste marquée par l’antimilitarisme a fait l’objet d’un article de l’écrivain Maurice Barrès en première page de L’Écho de Paris, du 27 septembre 1916. Le maître de l’école d’Andance avait écrit un mois avant sa mort à l’un de ses écoliers : « Nous travaillons, nous, pour que cette guerre soit la dernière… » |
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Joseph Sternun pupille sur le front |
Fernand Terrasle soldat reconnu |
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Portrait de Joseph Stern, 1914 (ADA, collecte 14-18, contributeur 121). |
Portrait de Fernand Émile Terras, photographié avant son départ (collection particulière). |
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Joseph Stern est né en 1889 dans une famille alsacienne établie au Cheylard après 1871. Pupilles de l’Assistance publique, Joseph et sa sœur Joséphine sont placés dans la famille Rey à Privas. Pendant la guerre, Joseph entretient une correspondance avec sa famille d’accueil, qu’il appelle affectueusement « Mes chers parents », et avec sa sœur. Il y expose le danger, ses angoisses, la boue, les rats, la faim, le froid, les bombardements, les combats meurtriers à la baïonnette, la mort. « Tant qu’il y a de la vie il y a de l’espoir » écrit-il dans l’une de ses dernières lettres. La correspondance s’arrête en février 1915. Sans nouvelle de son frère ni de l’armée, Joséphine écrit aux autorités civiles et militaires françaises et allemandes, à la Croix-Rouge, en vain. L’aumônier du régiment tente de la convaincre de la probable disparition de Joseph dont le corps est resté sur le champ de bataille bouleversé. C’est par la mise en ligne de sa fiche de décès sur le site Internet Mémoire des Hommes que ses descendants ont pris connaissance des circonstances de sa mort le 25 février 1915 à Beauséjour dans la Marne. |
Fernand Émile Terras est né à Saint-Laurent-du-Pape, le 11 octobre 1895. Son père, Henri Terras, cultivateur et sa mère, Marie Amélie Crumière s’étaient mariés à Saint-Laurent-du-Pape le 24 novembre 1894. Fernand, alors cultivateur, est mobilisé en 1915 au 173e régiment d’infanterie. Il passe au 415e régiment d’infanterie (R.I.) le 1er avril 1915. À l’automne 1915, Fernand va participer à la bataille de Champagne, entre la vallée de la Suippe et la lisière ouest de la forêt d’Argonne. Combats de douze jours qui débutent le 25 septembre à 9 h 15. Fernand perdra la vie le 2e jour de la bataille, à la cote 193, mortellement blessé à la tête par un éclat d’obus. Près d’un siècle après ce tragique événement, le 1er août 2013, le corps d’un soldat ardéchois a été découvert à 2 km de son lieu supposé de disparition (cote 193) sur la commune de Tahure (village détruit). Son corps a été réglementairement relevé par les services archéologiques et il a été identifié grâce à sa plaque d’identité métallique en bon état et parfaitement lisible. Il s’agissait de Fernand Terras, du 415e régiment d’infanterie, originaire de Saint-Laurent-du-Pape en Ardèche, mort pour la France le 26 septembre 1915 sur le champ de bataille de Perthes-les-Hurlus (village détruit). |
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