Dans son essai paru en 1925 aux éditions du Pigeonnier, à Saint-Félicien-en-Vivarais, Les Guerres d’enfer et l’avenir de l’intelligence, Pierre Benoit, l’auteur de L’Atlantide, relève le nombre d’écrivains français tombés au champ d’honneur pendant la guerre de 1914-1918 : « Quatre cents morts ! Trente-cinq disparus ! Tel est le bilan glorieux et tragique. Les blessés, les prisonniers, on ne les a pas comptés. Ils eussent été trop nombreux. »
Au-delà de l’accablement que provoquent ces chiffres, que provoquent d’ailleurs tous les chiffres de la guerre de 1914, il faut se consoler en pensant aux écrivains et artistes qui ont survécu à cette saignée du siècle, et qui, pour certains, ont témoigné. Parmi eux figurent des Ardéchois : Jos Jullien, Gaston Riou et Julien Vocance. Tous trois étaient amis de Charles Forot, gardien des éditions du Pigeonnier. Ils sont d’ailleurs réunis dans le fameux livre-hommage A Charles Forot au Pigeonnier, publié en 1927, grâce à Jos Jullien.
Deux essais, un Journal, des poèmes. Voilà ce que nous ont laissé les combattants Jullien, Riou et Vocance entre 1916 et 1918. Trois facettes d’un monde qui se délite. Trois manières de montrer la folie de son temps, et dont l’écho résonne encore plus fort aujourd’hui.
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Jos Jullien Tournon 1877-Joyeuse, 1956 En 1914, Jos Jullien va, dès le commencement de la guerre, quitter son épouse, ses patients et Joyeuse pour partir au front. Le 30 août, il incorpore le 52e régiment d’artillerie, dont il sera promu médecin aide-major de 1re classe. Il vivra ses premières années de guerre pleinement. Une blessure dans la Somme le conduira par la suite à prodiguer ses soins à l’hôpital complémentaire de Toulon. Lorsque, le 29 décembre 1917, il reçoit la Croix de guerre, il est précisé alors : « Modèle de sang-froid et de bonne humeur tranquille, toujours en première ligne et prêt à se porter en avant pour porter secours aux blessés même étrangers à son unité, a été grièvement blessé le 20 août 1916 à la position de batterie, en portant secours à des canonniers tombés sous un bombardement de 210. » |
Gaston Riou Vernoux, 1883–Lablachère, 1956 Homme politique et écrivain, son Journal d’un simple soldat, guerre-captivité 1914-1915 paru en 1916 chez Hachette, relate son emprisonnement en Allemagne. Soldat ambulancier de 2e classe, Gaston Riou est fait prisonnier dans le secteur de Dieuze. « Me voici donc prisonnier. Quel voyage ! J’en ai l’âme et la gorge amères. Il me prend des nausées d’y penser. » Il est interné pendant près d’un an au fort Orff près d’Ingolstadt avant d’être rapatrié à l’occasion d’un échange de prisonniers. Ce récit en vingt-six chapitres montre à sa façon un pan de la guerre. Il parle de la vie quotidienne, du « cafard » qui envahit les esprits, de la « faim qui vous tient éveillé et vous tiraille comme un chancre »… L’auteur signe là un document que Louise Weiss jugera « pathétique et puissant. » |
Julien Vocance Lyon, 1878-Annonay, 1954 Joseph Seguin - qui ne deviendra que plus tard Julien Vocance - est le fils d’Auguste Seguin et de Marguerite de Montgolfier. Son grand-père était l’ingénieur Marc Seguin. Lui, le jeune Seguin/Vocance allait faire entrer l’illustre famille dans les dictionnaires de la poésie française. Spécialiste du haï kaï, appelé aujourd’hui haïku, Julien Vocance publiera en mai 1916 dans La Grande Revue ses « Cent visions de guerre », qui marquèrent les esprits. Ces haïkus claquent, ou explosent, eux aussi, comme des bombes. Ils font partie des poèmes les plus forts écrits alors. Blessé en mai 1915, Julien Vocance sera réformé en septembre, puis décoré de la Médaille militaire et de la Croix de guerre. Il est précisé alors : « Sous-officier d’un dévouement et d’une bravoure exemplaire. Très grièvement blessé le 4 mai 1915 à son poste dans les tranchées. Enucléation de l’œil droit. » |
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