archives.cotedor.fr

Archives départementales de la Côte-d'Or

Notre site internet vient d'évoluer, notamment pour rendre plus claire la présentation des résultats des recherches (toujours plus abondants à mesure que nous ajoutons de nouveaux inventaires). Il est possible que ces résultats ne soient plus cliquables sur votre écran. Pour résoudre cette difficulté, il faut taper ctrl+maj+suppr pour accéder au menu permettant de vider le cache. Pour votre téléphone, ou si cela ne fonctionne pas, il suffit, pour trouver la procédure, de rechercher "vider le cache", suivi du nom de votre navigateur, sur votre moteur de recherche favori.

Vous êtes ici : Archives départementales de la Côte-d'Or /

Document 8 - Don de biens sis à Aiserey

1 H 11836, 24 août.— Rambervillers (Vosges).
Le plus ancien original conservé aux Archives de la Côte-d’Or : don par l’Empereur Louis le Pieux à son fidèle Fulbert de biens sis à Aiserey.

Archives départementales de la Côte-d'Or,  1 H 11, n° 1. 


Transcription :
Texte latin édité dans Chanoine Maurice Chaume, G. Chevrier, R. Folz, Chanoine Jean Marilier, Chartes et documents de Saint-Bénigne de Dijon, Dijon, Société des Annales de Bourgogne, 1986 (Analecta Burgundica), t. I, p. 80-81, charte n° 47. ADCO, Us.274.442-CHE.

1.    In nomine Domini Dei et Salvatoris nostri Jesu Christi, Hludovuicus, 
2.    divina repropitiante clementia imperator Augustus. Imperialis excellentie 
3.    magnitudinem decet, fideliter sibi devoteque famulantes muneribus et
4.    honoribus ditare atque regie munificentie liberalitatis honorare. Proinde 
5.    comperiat omnium fidelium sancte Dei Ecclesie nostrorumque presen-
6.    tium scilicet et futurorum sagacitas, quia concessimus ad proprium Ful-
7.    berto fideli nostro, quasdam res nostre proprietatis, que sunt in confinio
8.    Caviloninse Atoariense et centena Oscarense, in loco cujus vocabulum est
9.    Aziriaca villa, mansum dominicatum ad quem aspiciunt alii mansi quin-
10.    que et dimidius, cum edificiis desuper positis, terris, campis, pratis, silvis,
11.    pascuis, aquis aquarumve decursibus ... mancipia diversi sexus et cetera
12.    videlicet quantumcumque predictus Fulbertus in memorata villa nostra
13.    munificentia beneficiario jure adeptus est et ad memoratos mansos per-
14.    tinere noscitur. Sed ut liberalitatis nostrae largitio, per diuturna tempora
15.    rata atque inviolabilis permaneat ac verius certiusque credatur hos nostrae
16.    auctoritatis apices ei fieri darique decrevimus; per quos precipimus atque
17.    jubemus, ut ab hinc in futurum, memorate res ac mancipia in ejusdem
18.    fidelis nostri Fulberti jure ac dominatione permaneant: ita videlicet ut
19.    quicquid de eis vel in eis jure proprietario facere, ordinare atque dispo-
20.    nere voluerit, vendendi, donandi, commutandi liberam in omnibus habeat
21.    potestatem faciendi; et ut hujus nostre largitionis donationisve aucto-
22.    ritas firmior habeatur et per futura tempora melius diligentiusque con-
23.    servetur manu propria subter eam firmavimus, et anuli nostri impres-
24.    sione adsignari jussimus. Signum Hludovuici serenissimi imperatoris.
25.    Daniel notarius ad vicem Hugonis recognovi et subscripsi. Data IX
26.    kalendas septembris, anno Christo propitio XXIII imperii domini Hlu-
27.    dovuici piissimi augusti, indictione XIIII. Actum Ramperti villa, in Dei
28.    nomine feliciter. Amen.    
 

Traduction :
Au nom du Seigneur Dieu et de notre Sauveur Jésus-Christ, Louis, par la faveur de la clémence divine, Empereur Auguste. Il convient à la grandeur de l’excellence impériale d’enrichir de présents et d’honneurs ceux qui servent avec fidélité et dévotion, et de les honorer de la munificence et libéralité royale. 
Aussi, sachent tous les fidèles de la sainte Église de Dieu, ainsi que nos propres fidèles présents et à venir, que nous avons concédé en propre à Fulbert, notre fidèle, des biens en notre propriété, qui sont aux confins du Chaunois, de l’Atuyer et de la centaine d’Ouche, dans un lieu appelé villa d’Aiserey ; il s’agit d’un domaine dont dépendent cinq autres manses et demi, avec les édifices qu’ils comportent, les terres, champs, prés, forêts, pacages, eau et cours d’eau… les serfs des deux sexes, ainsi que d’autres choses, c’est-à-dire tout ce que le susdit Fulbert avait obtenu dans ladite villa, par notre munificence à titre de bénéficier, et tout ce qui est réputé appartenir aux susdits manses. 
Mais afin que la dispensation de notre libéralité demeure pour toujours valide et inviolable, et qu’elle soit crue plus vraie et plus certaine, nous avons décidé de lui faire et de lui donner ces lettres (symboles) de notre autorité ; par elles nous enjoignons et ordonnons que dorénavant, les choses et serfs susdits demeurent légalement sous le droit et domination de Fulbert, notre susdit fidèle : de telle sorte qu’il ait, sur ou dans tous ces biens et en vertu de son droit de propriété, le libre pouvoir d’ordonner et de disposer la vente, le don ou l’échange de tout ce qu’il voudra. Et afin que la présente dispensation ou donation ait une autorité plus affermie, et soit conservée mieux et plus diligemment pour les temps futurs, nous avons signé de notre propre main ci-dessous, et avons ordonné que l’empreinte de notre anneau fût appliquée. Seing de Louis sérénissime Auguste. Daniel, notaire, à la place d’Hugues, a reconnu et souscrit. Donné le IX des Calendes de septembre, la 23e année, par la faveur du Christ, de l’Empire du seigneur Louis très pieux empereur ; indiction 14. Donné à la villa de Rampert1, au nom de Dieu, dans la joie, amen.

 

1. Rambert et sa villa ont donné ensemble leur nom à la commune actuelle de Rambervillers (Vosges).

 

Un peu de diplomatique médiévale : les parties de l’acte de 836

Source : Cours de diplomatique, par Olivier Guyotjeannin, professeur à l’Ecole nationale des chartes, http://theleme.enc.sorbonne.fr/cours/diplomatique. On a mis ici, dans la colonne de gauche, toutes les parties possibles des actes ; certaines cases de la colonne de droite restent vides, car l’acte de 836 ne comprend pas d’adresse, de salut, d’exposé ni de sanctio.

Invocation (verbale = en toutes lettres, ou figurée = sous forme de signe graphique) : place l'acte sous le patronage d'une personne divine.

In nomine Domini… Jesu Christi (l. 1)

Suscription : décline l'identité de l'auteur de l'acte : nom personnel ± pronom personnel ± titre ± formule de dévotion (« par la grâce de Dieu » etc.), dite plus justement formule « de légitimation » par les diplomatistes allemands (cf. « évêque par la grâce du Saint-Siège »).

Hludovicus, divina… imperator Augustus (l. 1-2

Adresse : décline l'identité du destinataire (pas forcément le bénéficiaire) de l'acte/lettre. Peut être individuelle, collective, universelle.

-

Salut : de règle quand il y a une adresse. En l'absence d'adresse, rien (ce qui dénote des rapports très tendus) ou formule de perpétuité (p. ex. « ad perpetuam rei memoriam »).

-

Préambule : ensemble de considérations générales, à valeur universelle, détachées du contexte particulier, qui motivent et légitiment l'acte.

Imperialis excellentie… honorare (l. 2-4)

Notification : formule-outil qui déclare la volonté de porter à la connaissance des lecteurs/auditeurs de l'acte.

Proinde comperiat… sagacitas (l. 4-6)

Exposé : exposé logico-chronologique des circonstances qui ont amené la prise de décision.

-

Dispositif : cœur de l'acte, dévoile et explicite la décision, l'action juridique. Ici en deux parties.

Quia concessimus ad proprium… pertinere noscitur (l. 6-14)

Per quos precipimus… dominatione… potestatem faciendi (l. 16-21)

Clauses finales (1). La sanctio expose tout ce qui sert à « verrouiller » l'action juridique, à la garantir, renforcer, faire appliquer…

  • Clause intentionnelle (exprime que l'acte traduit la volonté de l'auteur : « car ainsi le voulons »...).
  • Clause injonctive (ordre donné aux agents d'appliquer l'acte : « Si donnons en mandement... »).
  • Clause prohibitive (inverse de la précédente : interdiction de mettre empêchement ou retard à l'application de l'acte).
  • Clause dérogative (l'auteur déroge aux règles qui pourraient contrarier l'application de l'acte : « Nonobstant ordonnances...... a ce contraires »)
  • Clause de réserve (inverse de la précédente, l'auteur affirmant que l'acte ne saurait empiéter sur les droits déjà acquis : « sauf en autres choses notre droit, et l'autrui [= le droit d'autrui] en toutes »).
  • Clause pénale (prononce à l'avance une condamnation séculière), clause comminatoire (prononce à l'avance une condamnation spirituelle), clause de bénédiction (plus rare : promet la félicité et bénit qui respectera l'acte)
  • Clause de promesse (l'auteur de l'action s'engage à respecter l'acte, par serment ou autre).
  • Clauses d'obligation, de garantie, de soumission à juridiction (apportent le moyen de faire respecter la promesse : en s'obligeant soi et son corps, ses biens et ses héritiers ; en donnant des garants, ou pleiges, ou en constituant une garantie sur d'autres biens ; en se soumettant d'avance à un tribunal précis).

 

-

Clauses finales (2). Clauses de demande de prières, appel aux successeurs.

-

Clauses finales (3). Mention de formalités : servent à « verrouiller » l'acte écrit, en déclarant que les formalités requises (éminemment variables) ont été effectuées ; dans l’acte de 836, on ne trouve que la jussion et la corroboration :

  • Tradition (description des cérémonies d'investiture, de déguerpissement...).
  • Jussio : mention de l'ordre donné d'écrire l'acte (plutôt dans les actes royaux/princiers).
  • Rogatio : symétrique, mention de l'ordre reçu d'écrire l'acte (plutôt dans les actes privés).
  • Annonce d'insinuation [dans les registres de la Curie municipale, etc.] : quand il y a insinuation (ou son souvenir).
  • Stipulatio : clause (« cum stipulatione subnexa » etc.) qui renvoie au droit romain antique et (à l'origine) indique que les parties ont échangé formellement leurs consentements.
  • Corroboration : annonce des moyens de validation finaux (peut être perpétuelle ; probatoire si elle inclut une mention du type « In cujus rei testimonium »).

[Jussion] Sed ut liberalitatis nostrae… darique decrevimus (l. 14-16)

 

 

[Corroboration] Et ut hujus nostre largitionis… adsignari jussimus (l. 21-24)

Signes de validation :

  • Souscriptions, signatures, listes de témoins.
  • Recognitio (par un officier de chancellerie : essentiellement haut Moyen Âge ou privilèges qui y remontent), formule d'authentification (par un notaire, dite souscription notariale).
  • Signes de validation figurés.
  • Sceaux et bulles ; courroies nouées, objets symboliques de tradition

Signum Hludovuici serenissimi imperatoris. Daniel notarius ad vicem Hugonis recognovi et subscripsi. (l. 24-25)

Date : date de lieu et date de temps.

Data IX kalendas… Actum Ramperti villa (l. 25-27)

Apprécation (rare) = répondant (substitut) de l'invocation initiale, formule augurative souvent, tels un amen ou un triple amen, un « feliciter », etc.

In Dei nomine feliciter. Amen (l. 27-28)

Salut final = équivalent, mais sans connotation religieuse, dérivé du « Bene vale » antique.

-

Mentions hors-teneur : internes à la chancellerie ou au bureau d'écriture. Indiquent qui a écrit et/ou composé l'acte ; qui l'a commandé (mentions de commandement) ; les étapes qu'il a suivies (contrôles, taxation, enregistrement...).

-


Commentaire : 
L’acte est daté de la 23e année du règne de Louis le Pieux, qui avait en effet été associé au pouvoir par son père Charlemagne en 813.
La centaine est le nom d’un ressort territorial.

 

> version imprimable