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Archives départementales de la Côte-d'Or

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Document 1- Epitaphe de Jacques de Mucie et de Bénigne de la Mare

PlaqueAprès 1704.

Jardin des Archives départementales de la Côte-d’Or.


Plaque incomplète, en trois morceaux ; seule la partie supérieure, contenant l’épitaphe, est conservée.
Longueur 132 cm x hauteur 79 cm x épaisseur 5 cm

 

Transcription :

D [O] M1
BEATAM HÎC RESURECTIONEM EXPECTANT
VIR ILLUSTRISSIMUS
JACOBUS DE MUCIE
EQUES, DOMINUS NOBILLACI &c.
IN SUPREMO BURGUNDIÆ SENATU PRÆSES INFULATUS,
ET CONJUX EJUS BENÈ-MERITA
BENIGNA DE LA MARE,
QUI PARIBUS VOTIS ET IMPENSIS
IN HOC SIBI SUIS-QUE CONCESSO SACELLO,
A DUOBUS PRESBYTERIS, HUIC ECCLESIAE JAM ADDICTIS,
ALTERNA VICE
QUOTIDIE DIVINA MYSTERIA CELEBRARI
ET PSALMUM de profundis, ORATIONES-QUE PRO DEFUNCTIS RECITARI
IN PERPETUUM CONSTITUERUNT,
AC PIÆ INSTITUTIONIS PATRONOS CURATORES-QUE SEDULOS
DEINCEPS ESSE VOLUERUNT…


Traduction : 

À Dieu très bon très grand.
Ici attendent leur résurrection bienheureuse
très illustre
Jacque de Mucie,
chevalier, seigneur de Neuilly, etc.
président à mortier au suprême sénat2 de Bourgogne,
et son épouse pleine de mérites,
Bénigne de la Mare.
C’est à leurs vœux et à leurs frais conjoints que,
dans ce tombeau concédé à eux et aux leurs,
deux prêtres, désormais attachés à cette église,
célèbrent alternativement
chaque jour les divins mystères
récitent le psaume De profundis et les oraisons pour les défunts,
conformément à leur fondation perpétuelle.
Ils ont voulu dorénavant être
les patrons fondateurs et d’une pieuse institution…

 

1. DEO OPTIMO MAXIMO.
2. Parlement.


Commentaire :

Jacques III de Mucie, conseiller (1663) puis président à mortier (1681 ; cf. ADCO B 12111*, f. 29) au Parlement de Bourgogne, était seigneur de Neuilly et de Sennecey. Il était le fils de Jacques II de Mucie, conseiller (1638) au Parlement. Son trisaïeul, Philibert de Mucie, était procureur du Roi à Buxy au XVIe siècle.
Jacques III fut marié trois fois : 1° à Marguerite Valon († 1674, s.p.) ; 2° à Odette Legoux (dont une fille, Madeleine, qui épouse Philippe Fyot de la Marche, président au parlement) 3° à Bénigne de la Mare. Bénigne de la Mare était la fille de Philibert de la Mare (1605-1680) et de Marie Tisserand (s.p.). 
Le tombeau de sa première épouse, Marguerite Valon, se trouvait en l’église des Minimes de Dijon ; ce gisant accoudé sur deux coussins et accompagné d’un Amour, est une œuvre émouvante due à Jean Dubois.  Il est conservé au Louvre http://www.photo.rmn.fr/archive/09-537447-2C6NU039GNIQ.html 
Le 25 janvier 1702, Jacques de Mucie et sa femme fondent une messe quotidienne à célébrer par deux chapelains. Le fondateur porte alors la titulature suivante : « Messire Jacques de Mucie, chevalier, conseiller du roy en ses conseils, president a mortier en ce parlement, intendant de la marine en Bourgogne et Bresse, seigneur de Nully, Senecey, Chevigny en Valliere et du Port de Palleau ». Les chanoines consentent à ce que les époux deviennent les « patrons et fondateurs laïques » de la chapelle constuite en leur église « qui se trouve la premiere a gauche en entrant par la porte qui repond au cloitre ». La chapelle est fondée « sous le titre et invocation de la sainte Vierge marie mere de Dieu en sa conception immaculée ». Ils la dotent « de la somme 6.000 livres en principal qui sera employée en fonds et heritages ; et en attendant [ces acquisitions] ils payeront les interests de ladite somme a raison du dernier vingt », soit 300 livres annuelles pour payer, à hauteur de 150 livres, chacun des deux chapelains qui célèbreront une messe quotidienne alternativement, dans la chapelle. Ces chapelains seront des prêtres résidant à Dijon ; ils ne seront pas chanoines de la Sainte-Chapelle et pourront être choisis dans la famille des fondateurs. Les fondateurs dotent la chapelle des ornements et des vases liturgiques ad hoc ; ils pourvoient aux grosses réparations, les chapelains se chargeant quant à eux du « couvert des vitres ». Après la mort des fondateurs, les chapelains diront après la messe un De profundis « avec les collectes ordinaires sur leurs sepultures ». L’ordre de succession du droit de patronage est organisé ainsi : d’abord la fille des fondateurs, Madeleine de Mucie épouse de Philippe Fyot de la Marche et leurs descendants ; ensuite Antoine de Mucie frère du fondateur ; ensuite Françoise de la Mare sœur de la fondatrice et femme de Jean Bouhier, président à mortier au Parlement ; enfin, si ces trois lignages venaient à s’éteindre, le droit de patronage passerait au chapitre de la Sainte-Chapelle. Le 27 janvier, le chapitre ratifie cet acte de fondation. L’acte est passé devant Gaudrillet, notaire, et il est copié  dans le registre des chapelles de la Sainte-Chapelle (ADCO, G 1210/ Cartulaire 91 bis, f. 1-4). 
Une liasse du fonds de la Sainte-Chapelle contient les actes de la gestion de cette chapelle de l’Immaculée Conception (ADCO, G 1208). Les chanoines autorisent les fondateurs à mettre dans la chapelle « un marbre où seront gravées les clauses principales de ladite fondation avec leurs armes ». Les premiers chapelains sont Jean Fabarel, chanoine honoraire de Saint-Etienne (4 février 1702) puis Jean Jannon, prêtre mépartiste de Saint-Michel (11 février 1704). Ce dernier est remplacé, après sa mort, par Claude Baillet, chanoine et chantre de la Sainte-Chapelle (28 mars 1721), en contradiction avec la clause de 1702 excluant les chanoines du lieu. Jean Fabarel est quant à lui remplacé, après sa mort, par Joseph Bénigne Gaudelet, prêtre habitué de la Sainte-Chapelle (22 juin 1731) ; il est présenté par Jean Bouhier de Chevigny, président au parlement, comme héritier de sa tante Bénigne de la Mare.
En 1761 est dressé l’inventaire de la chapelle, pour le compte de Fyot de la Marche, comte de Neuilly, petit-fils du testateur. On y trouve, entre autres, un « tableau à trois tables « représentant la Vierge, sainte Jean l’Evangéliste et « M. Millère », « un calice, deux burettes et un plat, le tout d’argent, aux armes de Mucie ; deux chasubles, l’une servant « pour toutes les couleurs », l’autre noire, « l’une et l’autre chasubles aux armes de Mucie ».
Jacques III de Mucie teste le 10 septembre 1704 dans son hôtel dijonnais (ADCO, E 1424). « Son intention est d’estre inhumé en la chapelle particulière fondée par luy et par dame Benigne de Lamarre sa chere femme a l’église de la Sainte-Chapelle du Roy de cette ville ». Il veut des obsèques sans cérémonie ni exposition « comme on a coutume de le pratiquer a l’esgard de Messieurs les presidents a mortier, ne voulant pas non plus ledit seigneur testateur que dans l’endroit ou il sera inhumé il soit posé aucun monument qui designe sa sepulture ». Il laisse à sa veuve le soin de choisir l’église où seront célébrées 2000 messes basses « pour le repos de son ame ».
Il meurt le même jour et il est inhumé le 11 septembre à la Sainte-Chapelle (BMS de la paroisse Notre-Dame de Dijon, ADCO, 2 E 239/23). Son gendre Philippe Fyot de la Marche lui succède dans sa charge de président à mortier (F. Petitot, Continuation de l’histoire du parlement de Bourgogne depuis l’année 1649 jusqu’en 1733…, Dijon, 1733, ADCO, Réserve F° 44, p. 14).

PlanJacques III de Mucie habitait l’hôtel construit par son père Jacques II, aujourd’hui l’immeuble sis au 2, rue Lamonnoye. Si l’intérieur a été dénaturé, la façade de cet hôtel est remarquable ; il s’élevait tout près de la Sainte-Chapelle où jacques III était enterré ; il est également très proche des Archives départementales, où une plaque portant son épitaphe perpétue désormais sa mémoire.

L’épitaphe, apparemment inédite et malheureusement incomplète, confirme ce que disent les textes, à une exception près : s’ils mentionnent bien la fondation de chapellenie de 1702, ils contreviennent au testament de 1704 qui stipulait que Jacques de Mucie ne voulait aucun « monument ». L’épitaphe est un monument discret, réalisé qui plus est après le décès de Bénigne de la Mare son épouse. Elle est un témoignage, à l’aube du siècle des Lumières, de cette « piété flamboyante » qui, depuis le XVe siècle, multiplie les messes de suffrage pour délivrer les âmes des défunts du Purgatoire.
Gageons que cette épitaphe sortira bientôt du purgatoire où elle végète depuis la démolition de la Sainte-Chapelle, voici plus de deux siècles, pour être mieux mise en valeur aux Archives départementales où tant de documents l’éclairent et en soulignent l’intérêt.



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